Immigrés de force

Les travailleurs indochinois de la seconde guerre mondiale

Riz Amer présentation

 

Riz amer, un documentaire à découvrir

En 1941, alors que Vichy fait appel à une main d'oeuvre immigrée, des milliers d'indochinois qui connaissent parfaitement les secrets de la culture du riz, seront recrutés de force pour se retrouver... en Camargue ! Un pan de l'histoire coloniale française enfouie depuis plus de 70 ans se révèle...

Par Marie-France Guiseppin (France 3)

 

Riz amer est l’histoire des indochinois qui ont « fait » le riz de Camargue pendant la seconde guerre mondiale.Réalisé par Alain Lewkowicz, ce film s'inspire de l'ouvrage de Pierre Daum, Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France (Actes Sud, 2009).

Un film écrit par Pierre DAUM et Alain LEWKOWICZ

Réalisé par Alain LEWKOWICZ

Produit par Valérie MONTMARTIN

Une production POINTE SUD PRODUCTIONS avec la participation de FRANCE TELEVISIONS

Diffusion le samedi 16 mai 2015 à 15h25 sur France 3 Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.Rediffusion le jeudi 4 juin vers 8h50 sur France 3 Sud-Ouest (Antennes de Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes).

Entre 1939 et 1940, 20 000 travailleurs Indochinois furent enrôlés de force par l'administration coloniale pour aider la « Mère Patrie » en danger, et participé à l'effort de guerre dans les poudreries, les industries et les usines d'armement.Après de longues semaines de voyages, ces « indigènes » du bout du monde furent immatriculés par la MOI, le service de la main d'oeuvre indigène, et mis à disposition du régime de Vichy.

En 1941, alors que le risque de pénurie alimentaire gagnait la France, plusieurs centaines d’annamites furent envoyés en Camargue pour produire « l'or blanc », le riz qui devait nourrir la France et faire la fortune des grandes familles arlésiennes.

Pourquoi cet épisode de l'Histoire est-il tombé dans les oubliettes ? Comment nier une histoire désormais connue ? Pourquoi dans cette Camargue provençale est-ce encore si difficile d'admettre et de reconnaître l'évidence ?

Le film de Pierre Daum et Alain Lewkowicz exhume ce passé avec les témoins d'aujourd'hui et des archives inédites, et lève un voile sur ce dossier enterré de l'époque vichyste.

 

Paroles d'auteur, Pierre Daum :

Décembre 2004. Journaliste à Libération, et correspondant depuis 2003 du quotidien en Languedoc-Roussillon, j’avais été envoyé à Arles pour couvrir l’occupation de l’usine Lustucru par ses salariés, qui en refusaient la fermeture définitive. Comme cette usine s’occupait du conditionnement du riz camarguais, je décidai de rencontrer quelques producteurs de cet élément constitutif de l’identité camarguaise - aux côtés des taureaux, du cheval blanc et des flamants roses.

Roulant sur la route qui mène à Salin-de-Giraud, j’aperçu un écriteau indiquant la présence d’un Musée du riz dans le minuscule hameau du Sambuc. Je m’y arrête. Il s’agit d’un musée privé, érigé dans une grange par Robert Bon, un paysan natif de la région. A gauche, dans un coin du vaste hangar, je découvre une vieille photo en noir et blanc punaisée sur un panneau. On y voit deux hommes coiffés d’un chapeau conique, les pieds dans l’eau, en train de repiquer du riz. Le cliché aurait pu être pris dans le delta du Mékong. Sauf qu’en dessous, une légende indiquait : « En 1942, des paysans indochinois sont venus planter du riz en Camargue». Ma curiosité fut immédiatement piquée au vif. Comment, en pleine guerre mondiale, des paysans vietnamiens avaient-ils eu l’idée - et les moyens financiers ! - de traverser les mers afin d’apporter leur précieux savoir à la « mère patrie » ? Je décidai d’éclaircir ce mystère...

Je réussis à rencontrer en France un premier ancien travailleur indochinois, puis un second, puis un troisième, etc. Puis je partis au Vietnam, là d’où ils étaient venu, et là où la plupart avait fini par repartir. Après quatre années d’enquête et de recherche dans les archives, je publiai chez Actes Sud, en mai 2009, l’histoire enfin révélée de ces 20 000 anciens « indigènes » : Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France (1939-1952).

Son parcours :

Pierre Daum vit et travaille à Montpellier. Journaliste, ancien correspondant de Libération en Autriche, Pierre Daum, a aussi collaboré à plusieurs journaux européens : Le Monde, L’Express, La Libre Belgique, La Tribune de Genève, etc. De retour en France en 2003, il devient correspondant de Libération en Languedoc-Roussillon. En 2009, Actes Sud a publié sa première enquête historique, Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France (1939-1952), qui révèle l’utilisation forcée de vingt mille paysans vietnamiens dans les usines d’armement de métropole, mais aussi dans la relance de la riziculture de Camargue. En janvier 2012, il publie chez Actes Sud (puis chez Média Plus à Constantine) Ni valise ni cercueil, les Pieds-noirs restés en Algérie après l’indépendance, avec une préface de Benjamin Stora. En parallèle à ses travaux de recherches sur le passé colonial de la France, il effectue régulièrement de grands reportages pour Le Monde diplomatique. En janvier 2013 est sorti un film documentaire de cinéma tiré de son livre Immigrés de force : Công Binh, la longue nuit indochinoise, de Lam Lê.

Ouvrages Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France (1939-1952) » Arles, Actes Sud, 2012, 278 p.« Ni valise ni cercueil, les Pieds-noirs restés en Algérie après l’indépendance » Arles, Actes Sud, 2012, 430 p.

« Le dernier tabou, les « harkis » restés en Algérie après l’indépendance » Arles, Actes Sud, 2015, 540 p. 

Articles :« L’engagement des travailleurs indochinois en France en faveur de l’indépendance du Vietnam (1943-1952) ». La mobilisation des immigrés pour la décolonisation France, 1930-1970, Paris, revue Migrance N°39, 1er semestre 2012, coordonné par Louisa Zanoun.

« Et si on restait ? 1962 : Quelles conditions pour les Européens et les Juifs qui voulaient rester ». Le Maghreb et l’indépendance de l’Algérie, sous la direction d’Amar Mohand-Amer et Belkacem Benzenine, Coédition Crasc (Oran) - Irmc (Tunis) – Karthala (Paris) 2012, 264 p.

 

Paroles de réalisateur, Alain Lewkowicz

En publiant son livre en 2009, Pierre Daum était sans doute loin d’imaginer qu’il allait secouer la politique locale arlésienne. Car en exhumant cette histoire bien enfouie dans les mémoires, l’auteur a réveillé de bien vieux démons qui sont venus troubler le sommeil paisible d’un certain nombre de familles « respectables » qui ont fait fortune de l’exploitation de ces 20 000 Indochinois. Car même les héritiers ne peuvent pas ignorer les origines des affaires familiales. Ce qui était jusqu’alors un tabou tacite est devenu une histoire qui s’écrit désormais au présent en faisant l’inventaire de ce qui a toujours été passé sous silence.

A Marseille - où on débarqué ces forçats avant d’être enfermés à la prison des Baumettes, dans le camp d’ Agde, à Arles et à Aix-en-Provence - où se trouve le centre des archives d’Outre-mer et des anciennes colonies, ce passé peu glorieux dérange, bouscule et contrarie les officiels garants d’une version officielle de l’Histoire. Des hommes politiques et des fonctionnaires qui semblent avoir délibérément occulté certains faits pour ne pas mettre dans l’embarras les notables légataires.

Son parcours :

Alain Lewkowicz vit et travaille à Paris.

Titulaire d’un Dea de soviétologie à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (Ehess), producteur à France Culture et France Inter, auteur pour la revue XXI, et réalisateur pour la télévision, Alain Lewkowicz, 45 ans, est notamment un spécialiste de la Chine, de l’Asie du sud est et du Japon. Dernière oeuvre en date, son web-documentaire original pour Arte.tv, « Anne Frank au pays du manga » (2012), un manga interactif qui revisite le rapport des japonais à leur mémoire et à leur propre histoire. En quinze ans, Alain Lewkowicz a produit plus de 250 documentaires pour la radio avec un tropisme pour l’Asie. En 2013, il réalisera l’ensemble des documentaires de La Grande Traversée sur Mao pour France Culture.

Pour la télévision, Alain Lewkowicz a fait ses premières armes avec Ligne de Mire, notamment pour Arte en Chine : « La maman des enfants tristes » (2007) et « Lei Feng, le retour d’un héros idéal » (2008), mais aussi « Macao, l’envers du jeu » (52 mn, M6) et « Ghana, nouvelle poubelle de l’Occident » (2010, LCP et Ushuaïa TV).

Il est l’auteur de « Nanjiecun ou le meilleur des mondes », Revue XXI (2008) et de « De l’extrême droite japonaise à Anne Frank », Revue XXI (2009).

 

Marie-France Guiseppin

Cet article est consultable sur le site de France 3.